« Vous avez traversé toute la France pour nous ?! » Cette remarque, ils l’ont souvent entendue quand ils se sont portés au secours des sinistrés. « Ils n’en revenaient pas » témoigne Christophe Leheu. Membre de la RCSC de Montesquieu. Il rentre du Pas-de-Calais avec sept autres membres des RISC (ou RCSC) de Oms, Amélie-les-bains, Les Cluses, Céret, Argelès et Llauro.
Il avait répondu à l’appel d’Huguette Pons, maire de Montesquieu, du lieutenant Pierre Muntaner du SDIS 66, Coordinateur départemental des Réserves Communales de Sécurité Civile et des coordinateurs Lacombe et Aguilera lors du dernier RETEX le 15 novembre dernier. Au total sept hommes et une femme ont constitué l’équipe des PO.
Peu de départements ont suivi leurs homologues, volontaires de l’Essonne qui avaient pris l’initiative de cette mobilisation nationale. Et sans conteste, ils étaient ceux qui ont fait le plus de kilomètres pour rejoindre le département sinistré qui n’a jamais connu, de mémoire d’habitants, une crue aussi importante et aussi longue.
Trois villages aidés
Partis ce dimanche 19 novembre dernier à bord d’un minibus prêté par la commune d’Argelès-sur-Mer, ils ont découvert dès le lendemain, après s’être relayés au volant la veille, des paysages totalement disparus sous l’eau. Plus de champs, plus de routes et des maisons dévastées. « Et on n’était pas dans le secteur le plus touché », précise Christophe qui reconnaît de grandes difficultés à rejoindre les lieux où leur aide était requise. A savoir trois villages de la vallée de Lacanche. « Après un débriefing et les instructions nécessaires, il nous a fallu parfois un temps fou pour rejoindre les lieux désignés pour nos interventions. Beaucoup de routes étaient coupées ».
Logée à Guisy dans un gîte communal, l’équipe des PO coordonnée par Olivier Merieux-Hazemann de la RCSC de Oms, a immédiatement répondu aux besoins définis au PC des pompiers, mais aussi des élus des communautés de communes et des mairies, sur le pont jour et nuit depuis que les rivières avaient quitté leur lit et envahi les zones de cette région d’anciens polders. Affectés aux villages de Beussent, Bezinghem et Aix-en-Issart, ils sont intervenus surtout à la demande des maires, proches de leurs administrés et très au fait des besoins de sinistrés qui, parfois, malgré une grande solidarité locale, se sont retrouvés seuls et dépassés par l’ampleur de la catastrophe.
Toute une vie à la benne
« Le matériel nous a été fourni par l’Essone. Un camion qui nous a permis de nous dédoubler, des motos-pompes, des groupes électrogène… tout ce que nous n’avions pas. Nous sommes plus habitués aux feux de forêt et évidemment pas équipés de ces matériels. Notre mission la plus urgente était de pomper l’eau qui avait envahi les caves et les rez-de-chaussée et détruit tout ce qu’ils contenaient. Mais aussi d’apporter tout le réconfort possible ».
« Pas évident de faire face à la détresse », souligne Christophe dont la carrière militaire notamment en Afrique, l’a pourtant habitué aux opérations de terrain auprès des populations. « Je me souviens d’une petite dame de 83 ans, seule. Nous avons dû tout sortir de sa maison. Ses meubles, ses souvenirs, ses papiers, ses photos … on entre dans leur intimité, c’est poignant. La plupart du temps tout était irrécupérable sauf parfois quelques meubles en bois massif. Toute une vie à mettre à la benne ».
« Le plus dur c’était cette impression de ne pas avancer. Une fois qu’on avait tout sorti et pompé l’eau boueuse et stagnante, la pluie parfois se remettait à tomber et il fallait tout recommencer. On voyait l’eau comme sortir du sol. La vallée de Lacanche est à 20 mètres d’altitude et à 45 minutes de la mer. A chaque marée, l’eau remonte. Alors on ressortait les motos-pompes et on recommençait ».
On ne peut pas vider la rivière
Les bénévoles des PO, scindés en deux équipes, se sont rendus utiles partout ou ils étaient envoyés au cours de la semaine. Christophe évoque « un couple de jeunes retraités qui venait de s’installer dans ce qui devait ressembler à un petit paradis tranquille avant que la crue ne vienne tout détruire. Un agriculteur sans électricité, qui ne pouvait plus traire ses vaches sauvées in extremis de la noyade. Dans les champs, elles avaient les pattes prises dans la boue et le ventre dans l’eau. Il a pu les rentrer à l’étable, traire à la main et tout jeter. Les routes étaient impraticables. Impossible d’assurer la collecte du lait». « C’était parfois désespérant », reconnaît Christophe, « mais on ne peut pas ni arrêter la pluie, ni vider la rivière. On a juste fait tout ce qu’on a pu face à l’ampleur de la tâche. On a même fait du porte-à-porte pour proposer nos services ».
Pire que le feu?
« On a creusé une tranchée pour permettre à un sinistré de rejoindre le réseau pluvial de la commune dont le jardin était submergé. Mais aussi aidé une personne âgée avec un mari malade incapable de faire face à la catastrophe. Elle avait laissé la boue sécher chez elle. Nous avons dû tout remouiller pour pouvoir l’évacuer et nettoyer.
Une tranchée creusée par les bénévoles des RCSC des PO pour relier une maison au réseau fluvial
Un de ses voisins avait perdu toute sa réserve de pellet tout juste stockée pour l’hiver. On l’a aidé à tout évacuer et tout jeter, la mort dans l’âme. Nous avons souvent admiré leur courage et leur résilience. Il ne lui restait qu’une bouteille de vin, unique rescapée de la cave. Il nous l’a offerte. »
Christophe s’interroge: « On a vu des sinistrés du feu. Ils ont tout perdu, leur maison et tout ce qu’elle contenait. C’est terrible mais ils peuvent reconstruire et tout recommencer. Avec l’eau, ils perdent tout aussi… sauf leur maison. Réparable ou pas, elle est devenue invendable et ils n’ont pas d’autre choix que de rester et d’espérer que la prochaine fois, ils seront épargnés. Je me demande si ça n’est pas encore pire».
Après une semaine d’efforts sans relâche et de rencontres émouvantes, l’équipe des PO est rentrée. Pour les sinistrés du Pas-de-Calais, le ciel n’est toujours pas clément, les rivières regagnent très lentement leur lit et maintenant, c’est le froid qui arrive.
Recueilli par Françoise Kunzé, membre de la RCSC/CCFF de Montesquieu-des-Albères
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